L'Oise Agricole 23 décembre 2020 a 15h00 | Par Vincent Fermon

Feu vert législatif confirmé pour les néonicotinoïdes

Le Conseil constitutionnel a validé le jeudi 10 décembre le projet de loi ré-autorisant temporairement l’utilisation des néonicotinoïdes contre le puceron vecteur de jaunisse sur la betterave. Un soulagement pour les producteurs et l’issue d’une intense mobilisation pendant plusieurs mois pour les différents acteurs de la filière.

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Avec le projet de loi sur l’utilisation des néonicotinoïdes qui va pouvoir désormais s’appliquer, «on a fait bouger des lignes fortes en seulement quelques mois», a souligné Julien Denormandie lors de l’assemblée générale de la CGB.
Avec le projet de loi sur l’utilisation des néonicotinoïdes qui va pouvoir désormais s’appliquer, «on a fait bouger des lignes fortes en seulement quelques mois», a souligné Julien Denormandie lors de l’assemblée générale de la CGB. - © CGB

Pendant une bonne partie de l’assemblée générale de la Confédération générale des betteraviers (CGB) qui se tenait le jeudi 10 décembre, la décision du Conseil constitutionnel était dans tous les esprits. Et c’est finalement un peu après 17 heures que la nouvelle est tombée : la haute juridiction a validé le projet de loi ré-autorisant temporairement l’utilisation des substances néonicotinoïdes dès les semis de betteraves 2021, pour une durée de trois ans. Le 10 novembre dernier, plusieurs députés et sénateurs avaient saisi le Conseil constitutionnel pour contester la légalité d’un texte porté par le gouvernement et censé redonner un peu d’espoir aux producteurs français de betteraves durement touchés par la jaunisse.

Une baisse de rendements «jamais vue»

Au beau milieu d’une table ronde sur les pistes de recherche engagées par la filière pour trouver des alternatives aux néonicotinoïdes, c’est le président de la CGB, Franck Sander qui a l’a finalement annoncé, soulagé : «C’est une fierté de savoir que le projet de loi a été validé. Vraiment, il s’agit d’une bonne nouvelle», a-t-il lancé. Un peu plus tard dans le déroulé de l’assemblée générale, Franck Sander a tenu à adresser ses vifs remerciements à l’ensemble des acteurs qui se sont mobilisés. Avant d’assurer avoir craint un moment pour les futures récoltes, sans le recours aux néonicotinoïdes : «L’année 2020 a été difficile en raison du contexte sanitaire. C’est un fait. Mais nous étions aussi jusqu’à présent inquiets pour l’année prochaine, puisque nos modèles de prévision indiquent déjà des conditions favorables à un retour précoce des pucerons». En termes de rendements, la jaunisse pourrait entraîner une baisse jamais vue jusqu’alors, avec une moyenne française de 63 tonnes par hectare, contre 85 à 90 tonnes attendues. La production nationale 2020 devrait ainsi timidement atteindre 27 millions de tonnes alors qu’elle était de 47 millions de tonnes en 2017, «première année post-quotas». Pour les planteurs, les pertes sont estimées par la CGB à 280 millions d’euros ; pour l’ensemble de la filière, la facture se monterait à environ 700 millions d’euros.

Textes d’application

en attente

La loi ayant désormais été définitivement adoptée, un autre chantier débute, tout aussi important : «La prochaine étape, a dit le président de la CGB, c’est d’obtenir rapidement les textes d’application de la loi.» Interrogé sur le sujet, le ministre de l’Agriculture Julien Denormandie – il intervenait en conclusion de l’assemblée générale de la CGB – a assuré le syndicat que «les choses iront vite, l’affaire de quelques semaines», compte tenu que certains de ces textes sont «déjà prêts». Parmi eux, un arrêté de mise sur le marché à titre dérogatoire qui va s’appuyer sur un avis rendu par l’Anses, prochainement publié. L’Anses y demande ainsi que «la culture de maïs ne se fasse qu’en année N+2» après usage de néonicotinoïdes sur une parcelle, a révélé le ministre, précisant qu’«à peu près 25 %» des cultures betteravières sont touchées par cette restriction. D’une manière générale, et comme cela figure dans les engagements de la filière, «il faudra être très vigilant sur la succession culturale».

Une validation «claire» du projet de loi

Précédemment, Julien Denormandie expliquait devant encore quelque 600 participants - l’assemblée générale en a compté jusqu’à plus de 800 -, les raisons qui l’ont conduit à opter pour la voie législative plutôt que la voie réglementaire pour mettre en place une dérogation : «Nous avons été profondément pragmatiques, a-t-il dit. Il s’agissait de donner à nos planteurs les mêmes moyens que ceux qu’ont les planteurs des autres pays européens.» Sur la méthode, Julien Denormandie enfonce le clou : «Modifier la loi n’a pas été la chose la plus simple à faire, mais c’était le seul moyen pour y arriver.» Il saluera au passage le rôle des parlementaires - exception faite de ceux qui ont déposé un recours devant le Conseil constitutionnel -, «qui ont eu beaucoup de courage, avec des débats de qualité». Mais pour le ministre, pas de doute, «la validation du texte par le Conseil constitutionnel est très claire».

Une indemnisation pour «plus de la moitié» des planteurs

Au cours de l’assemblée générale de la CGB, et après être revenu sur le parcours législatif de la dérogation, Julien Denormandie a également dévoilé les grands principes de l’indemnisation des betteraviers touchés par la jaunisse catastrophique de 2020 ; une aide qui concernera «plus de la moitié» d’entre eux, a-t-il dit. «Une majorité de planteurs sera éligible» au dispositif, a indiqué le ministre. Les premières simulations montrent que «plus de la moitié des betteraviers bénéficieront de cette indemnisation», d’après lui, sachant qu’elle s’inscrit dans le cadre «de minimis», ce qui sous-entend un plafond de 20 000 E sur trois ans. Un peu plus tôt dans l’après-midi, Franck Sander demandait au ministre de considérer avec «simplicité» et «pragmatisme» la question de l’indemnisation des pertes de la récolte 2020. Et de considérer que le dispositif «de minimis» était «trop contraignant». Mais pour Julien Denormandie, ce dispositif reste bien le seul possible : «En matière d’indemnisation des pertes, notamment pour ce qui est du sanitaire, on ne peut pas faire grand-chose. Le seul système qui existe est celui des minimis parce que historiquement, la filière n’a pas fait d’autre choix que celui-là…»

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