L'Oise Agricole 04 août 2022 a 09h00 | Par Marc-Henry André

Le blocage des ventes de soja en Argentine a un impact très limité en Europe

Le mouvement d’arrêt général et momentané des ventes de soja observé en Argentine depuis un mois aurait un impact limité, voire nul, sur la formation du prix des farines rendues aux ports européens, dont l’Argentine est le premier fournisseur.

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Le ralentissement brutal du rythme des ventes de soja par l’Argentine, bien qu’il soit important et brutal, doit être relativisé selon les experts.
Le ralentissement brutal du rythme des ventes de soja par l’Argentine, bien qu’il soit important et brutal, doit être relativisé selon les experts. - © Pixabay

Entre 20 et 30 millions de tonnes (Mt) de soja resteraient en possession des agriculteurs argentins, sur une récolte totale de 43,4 millions de tonnes (Mt), selon l’USDA. Mais selon certaines sources, l’arrêt quasi-total des opérations de vente de fèves de soja issue de la dernière récolte observée en Argentine tout au long de ce mois de juillet a un impact mineur. Les producteurs argentins sont logiquement réticents à s’en défaire dans un contexte d’hyperinflation, eux qui perçoivent des pesos quand la valeur de ceux-ci s’écroule au rythme d’une hyperinflation générale des prix de 90 % prévue pour cette année.

Un ralentissement à relativiser

Ce ralentissement brutal du rythme des ventes doit cependant être relativisé : la différence des volumes de fèves liquidés, par rapport à l’an dernier à la même date, est d’environ 4 Mt, soit moins de 10 % de la récolte argentine de soja 2021-2022.

L’Argentine, troisième producteur mondial de soja, s’illustre surtout comme étant le premier fournisseur mondial d’huile et de tourteaux de soja.

La valeur du peso a perdu un tiers

L’Argentine expédie ainsi vers l’Union européenne des volumes de tourteaux de soja supérieurs à 8 Mt par an en moyenne ces dix dernières années, selon Eurostat. Soit à peu près autant que le Brésil. Le prix de cet intrant s’avère critique pour d’innombrables exploitations d’élevage de toute l’Europe, qu’il s’agisse de bovins, porcs, volaille ou encore de saumons. Or, l’Argentine traverse ces jours-ci une crise monétaire dont elle a l’habitude. Sauf que cette crise est la plus forte après celle d’octobre 2019 et de décembre 2001. Ce qui, dans un contexte d’hyperinflation, a pour conséquence – parmi bien d’autres – l’arrêt quasi-total des ventes de soja de la part des agriculteurs de la région pampéenne.

Au cours du seul mois de juillet, le peso argentin a perdu le tiers de sa valeur sur le marché des devises, tandis que le taux officiel reste maintenu au plancher par la Banque centrale argentine, avec une différence cumulée de plus de 160 %. Pour la BCRA, un dollar US vaut 130 pesos, alors que pour les acteurs du marché, il vaut 330 pesos (au 27 juillet).

Des pratiques de sous-facturation

Résultat : le rythme des ventes de fèves de soja se retrouve au point mort. Leurs propriétaires les gardent dans leurs silos-sacs, ou diffèrent l’encaissement de leur vente, car elles conservent une valeur autrement plus stable que celle du peso qui s’écroule. Le prix du protéagineux qu’ils touchent, déjà ponctionné de 33 % au titre d’une taxe à l’exportation, est calculé en fonction du taux de change officiel, très défavorable pour eux.

Les sources consultées par Agra Presse font état de manoeuvres comptables permettant à certaines entreprises de capturer la valeur réelle de leurs grains via des transactions plus ou moins déclarées.

Accusations du président de la République

Côté politique, à deux reprises au cours des derniers jours, lors d’entretiens accordés à la presse, le président de la République argentine Alberto Fernández a accusé les producteurs de soja d’être les responsables de la crise monétaire actuelle. «Il y a 20 milliards de dollars qui dorment dans nos campagnes et ceci à cause de spéculateurs alors que le pays en a besoin», a-t-il dit. Le chef de l’État a pour préoccupation, entre autres, le paiement de la dette extérieure argentine et l’accès à la nourriture des plus de 20 millions d’Argentins recensés en situation de pauvreté.

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