L'Oise Agricole 01 février 2023 a 17h00 | Par Vincent Fermon

Pourquoi les intercommunalités ont intérêt à travailler avec les jeunes... et inversement

Quelle place est consacrée aux jeunes agriculteurs dans les lieux où se prennent les décisions qui impactent leur activité professionnelle ? Peut-on faire mieux ? Dans une table organisée dans le cadre de la session RGA du réseau JA à Saint-Valéry-sur-Somme, trois intervenants ont partagé leurs expériences.

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L'intégration des agriculteurs au sein des intercommunalités est une ambition partagée par les acteurs de la table ronde.
L'intégration des agriculteurs au sein des intercommunalités est une ambition partagée par les acteurs de la table ronde. - © V.F.

Si chaque intercommunalité de France a un fonctionnement différent, les trois structures invitées à une table ronde dans le cadre de la session «Renouvellement des générations en agriculture», à Saint-Valéry-sur-Somme (80) partageaient au moins la même ambition : intégrer autant que possible les jeunes agriculteurs - et le monde agricole au sens large - dans leurs projets de territoires. Si c'est l'échelle de l'intercommunalité qui a été retenue, «c'est parce qu'en général, ce sont les inter-communalités qui ont la compétence économique», a rappelé Thomas Samyn. Pour les participants à la session RGA sur le thème de l'engagement des jeunes au sein des collectivités territoriales, son témoignage a eu valeur d'exemple. À pas encore 35 ans, Thomas Samyn est en effet maire de la commune d'Arnicourt (08) et vice-président de la Communauté de communes du Pays rethélois. Lui en est convaincu : la place des jeunes agriculteurs, et plus largement des agriculteurs, est dans les lieux où se prennent les décisions. Et le jeune homme de tenter la comparaison avec d'autres profils bien plus engagés : «Le militant L214 est fort parce qu'il se croit investi d'une mission. Les agriculteurs sont aujourd'hui encore nombreux, mais il faut qu'ils s'investissent et qu'ils croient en leur investissement».

Aller à la rencontre

Pour que la rencontre entre collectivités et jeunes ait lieu, «la façon la plus simple est d'aller frapper à la porte des collectivités et dire qu'on est là, a indiqué Arnaud Delestre, président de la Chambre d'agriculture de l'Yonne. Cela prend du temps, mais les JA ont une légitimité pour le faire». Thomas Samyn partage : «Il faut changer les habitudes. La première chose à faire, c'est d'aller rencontre les EPCI dans les six premiers mois du mandat JA. Ensuite, cela laisse un an et demi pour mettre en place des projets». La démarche est d'autant plus nécessaire que «si les agriculteurs ne montrent pas qu'ils sont là, d'autres prendront la place». Ce discours, même s'il peut paraître simpliste ou déjà entendu, sera repartagé par d'autres intervenants. Quand bien même les contacts sont établis, les échanges ne coulent pas forcément de source, comme l'a expliqué Alain Desfosses. Lui-même agriculteur, président de la Communauté de communes Somme Sud-Ouest (CC2SO), il regrette «que l'on soit souvent obligé de faire sans les agriculteurs parce qu'ils ne viennent pas. Ils n'ont jamais le temps...» Du côté des organisateurs de la table ronde, on espère qu'il s'agit d'une exception. Pour Thomas Samyn, collectivités et monde agricole doivent «avancer ensemble» et se «tendre la main», en évitant les postures de chiens de faïence.

Identifier des interlocuteurs

Dans les territoires où les agriculteurs sont encore nombreux et/ou l'agriculture occupe une place importante dans le paysage, Arnaud Delestre préconise la désignation de responsables dédiées aux relations intercommunalité/monde agricole. Un gage d'efficacité, selon lui : «Avoir des interlocuteurs dédiés facilite les choses. Quand on sort d'une réunion, la suite doit être assurée. Les réponses aux questions qu'on s'est posé doivent être rapides...» Que faire cependant face à des élus moins ouverts ? «Si on tombe sur des élus qui ne veulent rien entendre, ou n'en ont que faire, ce n'est pas compliqué, argue Thomas Samyn. On fait le nécessaire aux élections suivantes...» Dans l'assemblée, la remarque fait rire et appelle des témoignages de jeunes qui regrettent «de n'être invités qu'une fois que les projets ont été ficelés...» Une fois les relations établies, on voit tout un tas d'initiatives fleurir : ici, des espaces-tests pour mettre en relation la commande publique de produits alimentaires d'origine agricole et des porteurs de projets ; là, la création d'une légumerie ou d'un atelier de transformation de viande. Quant aux plans alimentaires territoriaux (PAT), ils permettent de structurer la réflexion et de faire émerger les projets.

S'engager

Lors des discours qui ont suivi la table ronde, on a pu constater que le message est visiblement bien passé auprès des participants, chacun ayant à coeur de souligner l'importance de l'engagement, ou renouvelant des voeux d'intégration. «Je ne peux que vous inciter à vous engager dans la vie des intercommunalités et des communes, a ainsi réagi Pascal Demarthe, maire d'Abbeville et président de la Communauté d'agglomération de la Baie de Somme (CABS). De nombreux agriculteurs siègent déjà à la CABS et nous avons encore besoin de vous au sein de cette institution». Maire de Saint-Valéry-sur-Somme, Daniel Chareyron a pour sa part rappelé l'importance de l'agriculture pour sa commune - «le tourisme est une activité importante, mais cela ne fait pas tout» -, et souligné la présence d'un agriculteur au sein de son conseil municipal en la personne de Roland Moitrel ; lequel n'est autre que le président de l'association Agneaux AOP Prés-Salés de la Baie de Somme. Dès le lendemain matin, des ateliers étaient mis en place pour capitaliser sur ce que enseignements d'une table ronde entendue par plus de 200 personnes.

Session RGA : ils ont dit...

Laurent Degenne, président de la Chambre d'agriculture des Hauts-de-France : «Parmi les nombreux défis que nous avons à relever, le renouvellement des générations est le plus stratégique. L'âge moyen des agriculteurs de notre région est de 52 ans. Dans les dix prochaines années, la moitié des agriculteurs des Hauts-de-France seront en âge de transmettre leur exploitation. L'enjeu est fort et nous devons profiter de la prochaine loi d'orientation de l'agriculture (LOA) pour faire valoir ce que nous souhaitons. Et ce que nous voulons, ce sont des agriculteurs nombreux, de la création de valeur ajoutée et des systèmes d'exploitation complexes (...) Il n'y a jamais eu autant d'opportunités qu'aujourd'hui».

Denis Pype, président de la commission «agriculture» du Conseil régional des Hauts-de-France : «La structure JA est essentielle et incontournable (...) mais l'avenir des JA sera celui que vous voudrez lui donner. Ne laissez pas les places vides, la nature a horreur de cela. Quand on est absent, on ne doit pas avoir le droit de critiquer (...) La Région sera à vos côtés, financièrement, dans l'organisation de vos événements, dans ce que vous ferez pour le territoire (...) N'ayez pas peur de bousculer, de combattre les idées reçues, et soyez force de proposition. Le jour où vous ne ferez plus cela, votre crédibilité sera remise en question».

Marie Carpentier, responsable installation dans l'Oise : Cette session RGA de trois jours a été très instructive et intéressante pour moi qui vient d'arriver sur le dossier du Renouvellement des Générations Agricoles. J'ai pu rencontrer tous les acteurs du RGA sur l'ensemble du territoire français, nous avons pu échanger sur le sujet durant les différents ateliers de travail sur de nombreuses problématiques. En France, d'ici 5 ans, la moitié des agriculteurs français vont être en âge de partir à la retraite. Il faut donc attirer des jeunes, les former, les accompagner dans leur projet d'installation de façon plus simple et dans de bonnes conditions. L'accompagnement des transmissions en misant sur la jeunesse est un levier très important pour la transition agroécologique mais pourtant c'est le gros point noir des politiques agricoles. La bonne volonté des cédants n'est pas suffisante car 2/3 des futurs retraités n'ont pas de repreneurs, il faut améliorer leur condition de départ à la retraite. Il y a également de nombreux défis environnementaux comme le changement climatique, fin des NNI... En tant que JA nous sommes les premiers à en subir les conséquences : sécheresse, inondations, parasitisme etc... sont d'autant de problématiques qui impactent notre travail et nos productions. Les nouvelles technologies et les innovations agronomiques qui s'imposeront suite à de nombreuses recherches feront une agriculture plus respectueuse de l'environnement et des agriculteurs, qui nous permettrons une meilleure gestion des risques climatiques.

 

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