La betterave retrouve enfin des couleurs !
Alors que les betteraves sont presque toutes semées, des annonces tout azimut dans la filière amènent à interroger Alexis Hache, président de la CGB Oise, et Jean-Pierre Josselin, élu.

Les semis se terminent. Comment se sont-ils déroulés ? Avez-vous une idée de la proportion de betteraves NNI (néonicotinoïdes) semées ?
Alexis Hache : Cette année, les semis ont débuté quasiment à même date que l’an passé, mais plus prudemment. L’essentiel s’est réalisé la semaine du 21 au 27 mars. Les labours sont difficiles à reprendre et nous avons souvent recours à des outils animés pour obtenir une proportion suffisante de terre fine afin de préparer le lit de semence en prenant soin de ne pas travailler trop profondément.
Paradoxalement, à cause du vent d’est, la terre se dessèche trop rapidement ; de ce, fait le semoir suit de près les outils de préparation. Les conditions actuelles sont particulièrement sèches et nous ont contraint à enterrer un peu plus la graine à 3 cm voir 3,5 cm en espérant que les pluies annoncées soient au rendez-vous pour faciliter les levées.
La proportion de néonicotinoïdes a fortement baissé pour être en phase avec la réglementation, la dérogation NNI nous impose de ne pas mettre de culture mellifère en N + 1 à N + 3, de ce fait, des betteraves sont semées sans NNI avec le risque de subir les effets de la jaunisse. La proportion de semence traitée NNI reste supérieure à 50 % pour le département.
Jean-Pierre Josselin, vous êtes un des représentants élus à la CRV (Commission de répartition de la valeur) et membre de la CI (Commission Interprofessionnelle) de la sucrerie de Roye. Saint Louis Sucre a annoncé un prix betteraves de 35,5 €/t pour 2022. Que faut-il y voir ? Quid des autres industriels ?
Jean-Pierre Josselin : Pour nous planteurs, le signal est clair. Saint-Louis sucre veut des betteraves et cette annonce peut nous encourager dans ce sens. Même si cela ne change rien en 2022 puisque nos assolements sont déjà réalisés et que, pour certains d’entre nous, les betteraves étaient déjà semées au moment de l’annonce. La betterave est une culture contraignante ; en plus, ces dernières années, des contraintes y ont été ajoutées : allongement de campagne, problématique jaunisse, néonicotinoïdes.
L’intérêt dans cette production a été mise à rude épreuve. Cela dit, on sait ce qu’elle nous a déjà donné par le passé. Cette culture nécessite un niveau d’intrants qui coûtent et qui ont un impact sur la marge. Pour constituer le chiffre d’affaires, il faut un bon prix : c’est la sucrerie qui achète nos betteraves et un bon rendement.
Pour 2022, nous avons bien une idée du coût des intrants. Cependant, ceux-ci vont augmenter. Il est essentiel que le prix des betteraves suive et 35,5 euros est le minimum nécessaire dans le contexte actuel des prix des produits agricoles et du coût de production. Cette année, il faut reconnaître que Saint-Louis se distingue en annonçant ce prix. Cela peut donner de la visibilité. Par contre, nous ne connaissons pas le prix définitif pour 2021 à ce jour et nous serons vigilants à obtenir la meilleure rémunération des planteurs, que nous aborderons lors de notre prochaine commission répartition de la valeur. Dans la constitution du prix annoncé, il y a non seulement le prix de la betterave, mais également toutes les indemnités. Enfin, un autre élément contribue à la constitution de ce prix, ce sont les pulpes. Un co-produit nécessaire aux éleveurs et en partie source de rémunération pour les planteurs. Pour la campagne 2021-2022, Saint-Louis a tenu ses engagements en livrant la totalité des pulpes aux éleveurs-planteurs au prix défini. Il nous faut conserver cette transparence pour les éleveurs planteurs en leur garantissant un approvisionnement total de l’engagement au tarif préférentiel. Cependant, l’inquiétude pour 2022 pourrait venir de la déshydratation. En effet, l’augmentation des coûts de l’énergie aura un impact majeur sur le prix final de la pulpe déshydratée.
Le prix de l’éthanol augmente et le marché semble bien se porter. Qu’en est-il de son utilisation par les automobilistes face à l’augmentation brutale des prix des carburants fossiles ?
A.H. : Avec la hausse fulgurante du prix des carburants fossiles qui met à mal le pouvoir d’achat de tous ceux qui font de la route, l’éthanol suscite un réel intérêt de la part des consommateurs. D’abord, à cause de son prix très concurrentiel et ensuite, parce qu’il est renouvelable, produit localement à partir de betteraves et de blé. Il est regrettable que tous les constructeurs automobiles n’aient pas persévéré. Seuls, quelques-uns comme Ford ont persisté, ils misent carrément sur une gamme spéciale éthanol. Parallèlement, la pose de kits flex-fuel se développe tout comme le nombre de pompes permettant de faire le plein à l’éthanol. Même si la consommation est plus élevée, les calculs sont à l’avantage de l’éthanol. Résultat : son cours est en forme et il le restera.
Un mot sur le projet d’usine en Normandie ?
A.H. : Cette nouvelle est une annonce positive pour la filière, elle démontre l’attrait du potentiel de nos régions, même si nous nous gardons de tout optimisme béat. Les fermetures récentes (Eppeville, Cagny…) restent dans tous les esprits. Malgré tout, les annonces faites par l’investisseur pourraient correspondre à un bassin de production d’environ 50.000 ha, ce qui n’est pas rien. Ce bassin serait essentiellement la Normandie et un peu les Hauts-de-France. Cette usine deviendrait un acteur majeur de la filière qui plus est, spécifique, par le choix de son implantation près de Rouen, il faut aussi être attentif à l’équilibre avec les groupes sucriers existants. Nous veillerons à cela et souhaitons entamer au plus vite un dialogue avec l’industriel de Dubaï.
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