L'Oise Agricole 20 février 2021 a 11h00 | Par Pierre Garcia

«La météo n’est pas une science exacte»

Suscitant des attentes de plus en plus fortes, la prévision météorologique reste en réalité méconnue de nombreux Français qui la voient, à tort, comme une science exacte. Mise au point avec François Lalaurette, directeur des opérations chez Météo France.

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François Lalaurette, directeur des opérations chez Météo France.
François Lalaurette, directeur des opérations chez Météo France. - © Agence de presse

Comment fonctionne aujourd’hui la prévision météorologique ?

François Lalaurette : Les premières prévisions météorologiques, ce sont donc des hommes qui ont regardé le ciel pour y trouver des signes précurseurs. Mais le vrai développement de la météorologie est né de l’essor des télécommunications au XIXe siècle et du partage d’informations entre des stations continentales. Nous nous sommes alors aperçus que lorsqu’ils se déplacent, les grands systèmes de pression atmosphérique engendrent généralement des conséquences logiques qui permettent d’effectuer des prévisions météorologiques. À cette approche physique, s’est ajoutée au début du XXe siècle une approche plus mathématique. Les ordinateurs puissants qui sont apparus dans la deuxième moitié du XXe siècle ont au fil du temps permis d’obtenir des calculs de plus en plus précis, de faire tourner des modèles permettant de comprendre rapidement comment la situation atmosphérique va évoluer d’heure en heure.

Quel est le niveau de précision des prévisions météorologiques ?

F.L. : Au début du XXe siècle, les travaux d’Edward Lorenz ont fait émerger le concept d’effet papillon : si l’on fait tourner les mêmes équations plusieurs fois, on finit par obtenir des résultats différents. C’est exactement ce qu’il se passe au niveau de la météorologie, il suffit de très peu de choses pour basculer d’une situation à une autre. Soyons clairs : la prévision météorologique parfaite est impossible. Nous disposons d’indicateurs perfectionnés, comme des radars ou des satellites mais la question est de savoir ce que l’on veut prévoir. Si l’on veut connaître la localisation et l’intensité d’un orage, une donnée qui peut intéresser les agriculteurs par exemple, l’échéance, c’est une heure avant, pas plus. À l’autre bout de l’échelle en matière de prévisions saisonnières, nous ne sommes aujourd’hui capables de diffuser que des tendances car les conditions atmosphériques en Europe ne nous fournissent pas assez de signaux. Les données les plus précises sont celles à l’échelle d’une semaine. On estime que tous les dix ans, nous sommes capables de gagner un jour de prévision.

Quels sont les progrès technologiques espérés pour les années à venir ?

F.L. : Depuis quelques années, nous parvenons à mieux comprendre certains processus physiques qui influencent les mouvements atmosphériques comme la thermodynamique. Au niveau technologique, nous ne pouvons qu’espérer que la course à la puissance de calcul se poursuivra grâce aux nouvelles générations de calculateurs.

Sur le plan météorologique, l’enjeu est de parvenir à enrichir en continu nos observations et d’ici 2030, nos satellites géostationnaires devraient être capables d’opérer des sondages d’une précision égale aux satellites de plus basse altitude, ce qui rendra nos prévisions plus précises. Nous travaillons par ailleurs sur des observations dites d’opportunité concernant notamment les perturbations de réseaux liées aux conditions atmosphériques. Ce type d’observations pourrait à l’avenir être extrait directement des réseaux sociaux sur lesquels les utilisateurs communiquent des informations très localisées.

Quelle est la différence entre la prévision de conditions météorologiques classiques ou extrêmes ?

F.L. : Il y a encore vingt ans, nous en étions encore à savoir s’il y aurait une tempête ou non. La tempête de 1999 en est le parfait exemple. Aujourd’hui, nous sommes capables de mettre un territoire en alerte trois ou quatre jours à l’avance. Mais la météo n’est pas une science exacte et la tempête Alex de 2020 nous l’a prouvé. Nous avons été en mesure de prévoir que la région méditerranéenne serait touchée, mais nous n’avions pas idée de l’épisode dramatique qui surviendrait dans les Alpes-Maritimes. Les attentes sont d’autant plus grandes pour les phénomènes météorologiques extrêmes, mais nous ne pouvons pas pour autant classer un territoire en alerte au moindre signal inquiétant. L’expérience tend quand même à prouver que si l’on n’était pas là, la prise de décision serait quand même beaucoup plus compliquée pour les collectivités territoriales.

Comment gérez-vous justement les attentes croissantes de la population ?

P.V. : Nous essayons de dialoguer avec le plus grand monde et d’expliquer notre métier. Aujourd’hui il faut le reconnaître, c’est une pédagogie avec laquelle nous avons encore du mal. Nous devons parvenir à faire comprendre que si la prévision météorologique n’est pas une science exacte, ce n’est pas le fait des hommes, mais bien de l’instabilité de l’atmosphère. En fonction de l’échéance ou de la situation à laquelle nous sommes confrontés, nous sommes plus ou moins sûrs de nous. Une chose est sûre, le réchauffement climatique va s’accélérer dans les vingt prochaines années ,voire plus, si nous ne prenons pas les mesures nécessaires. Les évènements climatiques extrêmes comme les épisodes caniculaires, les tempêtes, les sécheresses, les inondations ou encore la grêle vont donc se multiplier et nous devons nous y préparer. La connaissance des acteurs de terrain à un échelon très local, en complément de données plus globales fournies par Météo France, va donc se révéler encore plus cruciale dans les années à venir.

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