L'Oise Agricole 14 mai 2020 a 09h00 | Par AJ, VF

Max Havelaar se tourne vers le local

Comme les consommateurs, le géant du commerce équitable veut jouer la carte du local. Bientôt, des expérimentations seront menées pour labelliser des produits français sous le sceau Max Havelaar, jusqu’ici réservé aux pays du Sud.

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Jusque-là ouvert aux seuls produits des pays du Sud, le label Fairtrade/Max Havelaar réfléchit à s’ouvrir à des produits d’autres origines.
Jusque-là ouvert aux seuls produits des pays du Sud, le label Fairtrade/Max Havelaar réfléchit à s’ouvrir à des produits d’autres origines. - © Pixabay

«Le commerce équitable Nord-Nord a pour nous un grand avenir», assurait Blaise Desbordes, directeur général de Max Havelaar, le 4 mai. C’est donc tout naturellement que «Max Havelaar souhaite lancer avant la fin de l’année des expérimentations» pour labelliser des produits français, annonce-t-il. Jusque-là, le label Fairtrade/Max Havelaar est accessible aux seuls produits issus des pays du Sud. «Il y a une parenté de la problématique et des similitudes entre les agriculteurs du Sud et certaines poches de grande vulnérabilité au Nord», justifie le directeur de Max Havelaar, ajoutant que les mécanismes anti-pauvreté du commerce équitable ont fait preuve de leur efficacité. Pour autant, le droit de la concurrence européen ne permet pas de calquer tels quels les mécanismes mis en place dans les pays du Sud et notamment l’obligation d’un prix minimum d’achat au producteur. Pour contourner ce problème, «nous utiliserons sûrement un prix recommandé ou un mécanisme de fixation de prix», glisse-t-il.

Ce tournant stratégique s’explique aussi par une demande française, de plus en plus en quête de produits responsables autour du trépied «local, bio et juste». «La crise (du Covid-19, ndlr) est un catalyseur de cette problématique-là», observe Blaise Desbordes. Le sondage OpinionWay pour Max Havelaar publié le 5 mai révèle ainsi que «54 % de Français souhaiteraient basculer dans un monde où la consommation alimentaire deviendrait 100 % locale».

Réalisés pendant le confinement, le sondage rappelle les grandes tendances de consommation observées avant l’épidémie avec une préférence affichée des consommateurs pour le local, le régional, le made in France et la bio.

Local mais en consommant des produits exotiques

«La préférence responsable et équitable des Français se maintient bien dans la crise, c’est une bonne nouvelle [...] Nous avons, comme en 2018, connu une croissance exceptionnelle du marché du commerce équitable Fairtrade/Max Havelaar en 2019 (+ 22 %), on pouvait craindre que cette dynamique soit stoppée par la crise, il n’en est rien semble-il», explique Blaise Desbordes.

Le commerce équitable Sud-Nord n’est pas donc pour autant voué à disparaître. Le sondage indique que les Français souhaitant privilégier le local envisagent difficilement de se passer définitivement de produits exotiques tel que le riz, chocolat ou encore de café et d’épices. Un paradoxe qui n’est qu’«apparent» assure Blaise Desbordes car les valeurs qui sous-tendent la demande de local sont les mêmes que celles du commerce équitable.

«Le local est un horizon qui incarne un certain nombre de valeurs universelles, explique-t-il. La valeur qui domine c’est la volonté de privilégier une agriculture à taille humaine, proche, territorialisée. Les Français veulent soutenir les producteurs dont ils savent bien que la mondialisation débridée les fragilise.»

Agri-Ethique, le Français qui trace son chemin

En parallèle au label international Fairtrade/Max Havelaar, il existe en France une autre démarche de garantie d’un commerce équitable avec Agri-Ethique France ; laquelle revendique aujourd’hui plus de la moitié des ventes de produits issus du commerce équitable français. Avec un chiffre d’affaires de 252 millions d’euros en 2018, le label Agri-Ethique profite ainsi d’une progression de 45 % par rapport à 2017. Pour expliquer ce fort engouement pour le commerce équitable, son directeur Ludovic Brindejonc mise sur une prise de conscience des consommateurs sur le fait que «le modèle économique actuel n’est plus le bon».

Né au sein de la filière céréalière

Le label Agri-Ethique est décliné au sein de plusieurs filières comme le blé – la démarche est née avec cette production en 2013 –, le lait, les oeufs, la viande, les légumes... «et d’autres devraient les rejoindre cette année», précise l’organisation. Cela représente un peu plus de 200 produits, 850 boulangeries engagées pour 750 millions de baguettes équitables vendues, 19 moulins, 11 industriels, 19 groupements de producteurs et 1361 agriculteurs et éleveurs engagés.

Pour «garantir un revenu aux agriculteurs français», la démarche Agri-Ethique France repose sur un engagement contractuel entre les acteurs d’une même filière. Cet engagement est d’au moins trois ans, avec la garantie d’un prix rémunérateur stable. «Ces accords multipartites permettent d’établir des relations commerciales pérennes et équilibrées, d’assurer visibilité, sécurité et sérénité aux agriculteurs et de contribuer ainsi à une juste répartition de la valeur», explique-t-on chez Agri-Ethique.

Faire évoluer les pratiques

Derrière la promesse d’Agri-Ethique France de mieux rémunérer les producteurs se trouve également un engagement à les mener vers des pratiques plus vertueuses en matière agronomique, d’environnement, sociale et de bien-être animal. Cela est notamment possible grâce à un fonds collectif mis en place par les acteurs des filières Agri-Ethique. Une démarche prétentieuse ? Pas pour Ludovic Brindejonc qui s’en réjouit : «Notre réussite – (en référence à la progression du chiffre d’affaires et du nombre de partenaires, ndlr) vient démontrer que notre stratégie de départ était la bonne». Ainsi, créé pour «se déconnecter des marchés», Agri-Ethique est en passe de réussir son pari de devenir «le label de référence du commerce équitable français».

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