«Un goût d'air libre». C'est l'intitulé qu'a choisi Sabine Couvent pour nommer son projet agricole implanté à La Bégude-de-Mazenc, au beau milieu de la Drôme provençale. Un joli symbole pour la jeune femme, titulaire d'un master en écologie sur milieux humides, qui a travaillé quatre ans à la LPO. «Quand on fait ce métier de militant naturaliste, on se rend compte que le plus utile est de se rapprocher de la terre. À un moment donné, j'ai eu besoin de faire ce retour à la terre pour me sentir plus au fait de mes convictions. L'agriculture est donc venue naturellement à moi», souffle-t-elle.

En 2009, la jeune femme s'installe en agriculture biologique sur 8 ha de prairies, dont 1 ha de plantes à parfum, aromatiques et médicinales (Ppam) et 5.000 m² de vignes. Sabine Couvent s'est spécialisée dans la culture de Ppam, avec près de vingt-cinq espèces différentes (thym, verveine, sauge, mélisse, menthe, roses anciennes) qu'elle transforme ensuite en sirops, tisanes, baumes, eaux florales ou encore savons.

Spécialisée en roses anciennes

Armée de ses connaissances en botanique, la productrice cultive avec passion sept variétés de roses anciennes sur une surface de 1.500 m². «Je cultive principalement des rosiers de Provins (Rosa gallica), mais aussi des roses à parfum dites roses de Damas (Rosa rugosa, belle isis, rose de Reicht, Rosa centifolia, rosiers de Puteaux)». Après la cueillette à la main, elle distille elle-même ses fleurs pour en faire de l'eau florale. «C'est mon produit phare», confie l'agricultrice. La force de cette petite ferme réside sur une riche diversité de production. Côté commercialisation, elle s'appuie largement sur le magasin de producteurs Champs libres situé à Poët-Laval (Drôme) qui réunit quatorze agriculteurs bio. Une bouffée d'oxygène pour l'ancienne naturaliste, qui promeut aussi une cohérence entre activités humaines et agricoles. «L'écologie, ce n'est pas seulement faire du bio». La productrice a créé au fil des ans une structure la plus écologique possible : panneaux solaires, éolienne, toilettes sèches, système de phyto-épuration... Sur sa ferme prônant l'agro-écologie, là encore, le respect de l'environnement et des sols est privilégié. «Je prône le non-travail du sol. Certes, il faut être prêt à accepter qu'il y ait des herbes partout. C'est un lâcher-prise et une confiance en la nature à avoir», souligne Sabine Couvent. Ses parcelles sont aujourd'hui entièrement désherbées à la main et pâturées par un petit troupeau de ruminants (brebis, ânes).

Un retour à la terre

Des haies entourent les parcelles sur lesquelles il est possible de trouver divers abris réalisés en branchage, pierres. Par ce biais, elle vise à recréer des espaces naturels. «L'agriculture est créatrice de biodiversité. En implantant des haies, en concevant des mares, nous créons la vie. Le contact avec le vivant ne doit pas être négligé», prévient-elle. Convaincue que le retour des oiseaux, insectes et autres renards sur les terres agricoles apportent un bénéfice aux cultures et à leur protection, Sabine Couvent effectue un retour à ses premiers amours : «J'ai longtemps étudié la faune sauvage. J'avais donc à coeur de favoriser la biodiversité sur ma ferme, mais aussi de promouvoir cette pratique aux agriculteurs du coin». La ferme Un goût d'air libre fait donc office de ferme témoin pour l'association L'Hirondelle aux champs créée en 2013. Sabine Couvent propose par ailleurs des diagnostics biodiversité aux agriculteurs de Montélimar, Marsanne, Dieulefit et Bourdeaux.

Trouver un équilibre entre activités agricoles et biodiversité

«Ces diagnostics visent à caractériser les éléments structurants des fermes, présents ou absents, afin de proposer un accompagnement spécifique en fonction des problématiques de l'agriculteur et de ses cultures», explique-t-elle. L'association réalise des travaux de création de mares, de pose de nichoirs, de perchoirs ou de gîtes à chauves-souris et d'installation de caméras pièges. «Les caméras pièges permettent d'observer les différentes espèces d'animaux et de voir si l'aménagement réalisé est utile. Les zones humides attirent les amphibiens qui sont notamment des régulateurs de limaces. Le paillage des cultures permet d'abriter les reptiles, indispensables pour la gestion des rongeurs et des campagnols. Tout est une question d'équilibre».

L'association grandit grâce à l'implication de financeurs privés (Durance, Fondation Léa Nature...), de soixante-cinq adhérents, mais aussi de dons et de vente de cartes postales, pour un budget annuel moyen de 40.000 EUR. Depuis quelques mois, elle s'appuie aussi sur un partenariat avec Gamm Vert. «L'enseigne jette des dizaines et dizaines de fleurs, plantes ou arbustes abîmés. L'association les récupère, leur redonne un coup de jeune et les revend pour pouvoir réinvestir sur des chantiers de biodiversité», conclut Sabine Couvent.