L'Oise Agricole 23 mars 2022 a 17h00 | Par Dominique Lapeyre-Cavé, Dorian Alinaghi

Un conflit lourd de conséquences et qui interroge les stratégies

Face aux inquiétudes exprimées par son réseau, la FDSEA de l’Oise a organisé mardi 16 mars une visio-conférence à destination de ses adhérents sur les conséquences du conflit en Ukraine.

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- © Pixabay

L’intervenant, Arthur Portier, consultant Agritel, a brossé le statut de superpuissance agricole de l’Ukraine. Sur 110 millions de tonnes de grains produits annuellement, 80 millions sont exportés. L’Ukraine est le 7e producteur mondial de blé et le 4e exportateur, 3e si on y adjoint la Russie ; l’Ukraine et la Russie représentent 30 % des exportations mondiales. Leurs clients vont donc être fortement impactés : Afrique du Nord et Asie du Sud-Est où des émeutes de la faim pourraient se déclencher et entraîner des vagues de migration. L’Ukraine est aussi le 6e producteur de maïs et le 4e exportateur. En Europe, quelques pays seront concernés, notamment l’Espagne ou les Pays-Bas. Mais c’est en tournesol que l’Ukraine excelle : premier producteur et premier exportateur, 50 % des exportations mondiales sont ukrainiennes. Aujourd’hui, les ports sont bloqués et il reste 6 millions de tonnes à exporter. La Russie a également 8 millions de tonnes à exporter mais aucun navire au départ de la mer Noire ne pourra trouver à s’assurer.

Les marchés sont donc tendus : Australie et Argentine sont à plein régime d’export, le Canada a fait une mauvaise récolte de blé et seuls l’Europe et la France pourraient exporter plus vers les pays devenus «orphelins», de l’ordre de 3 million de tonnes, au risque d’avoir des stocks de fin de campagne au plus bas. «Il ne faut pas le moindre accident climatique en Europe et aux USA», prévient Arthur Portier. De même, avec les prix actuels, certains pays auront-ils les moyens d’acheter ?

Pour ce qui est de la récolte 2022, moins de blé a été semé en Ukraine et Russie à cause du coût de l’engrais azoté et il faut s’attendre à une baisse de la production. «Les premiers apports ont été faits, les agriculteurs ne sont pas réquisitionnés par l’armée mais il faut s’attendre à des tensions, que ce soit en blé ou en maïs.» L’Espagne, grande consommatrice pour ses cochons, est-elle prête à acheter du maïs OGM aux USA ou à l’Argentine ? Voilà le genre de questions qui se posent dans un tel contexte. De même, faut-il remettre dans l’alimentaire le maïs initialement destiné à l’éthanol ? Provoquer une crise énergétique plutôt qu’une crise alimentaire ?

La récolte maïs 2022 génère encore plus d’incertitudes : les régions touchées par le conflit vont-elles pouvoir semer ? Seulement 60 % des semences nécessaires ont été importées et il faut s’attendre à une récolte estimée à 20 ou 25 millions de tonnes, contre 42 habituellement. Où trouver du maïs ailleurs ? «Il y aura sans doute un report du maïs vers le tournesol», estime Arthur Portier.

En ce qui concerne ce dernier, l’Ukraine et la Russie représentent à elles deux 14 % de la production mondiale, toutes huiles confondues. 53 % des importations européennes viennent d’Ukraine et les industries agro-alimentaires (chips) auront des difficultés d’approvisionnement. Les filières d’élevage étant dépendantes des tourteaux de tournesol, un report se fera sans doute vers ceux de colza ou de soja en provenance d’Argentine. Mêmes inquiétudes sur la récolte 2022 avec seulement la moitié des semences disponibles. Là encore, le marché est tendu.

Gaz et engrais

La Russie est le premier exportateur de gaz mais aussi d’ammoniac. Le marché des engrais est tendu et même si des approvisionnements peuvent se faire ailleurs, il faut s’attendre à des manques de disponibilités. Avec un prix du GNR à 2 €/l et de l’engrais azoté à 850 €/t, Arthur Portier calcule un coût de production du blé à 240 €/t, «autant dire que cela ne passe pas avec le cours actuel». Il conseille de ne pas s’engager à vendre sur 2023 et à stocker de l’engrais si possible. «Le pire concerne l’élevage car il faudra bien que le consommateur accepte de payer plus cher, sinon on risque la décapitalisation.»

Ce qu’ils en pensent et leurs conseils

Les coopératives Agora et Valfrance se veulent rassurantes car elles avaient anticipé dès l’année dernière leurs approvisionnements en engrais azotés, notamment grâce à la structure collective Inoxa. Christophe Grison, président de Valfrance, s’inquiète plus pour la campagne suivante : «50 % de nos achats d’azote venant de Russie, nous sommes à la recherche de nouveaux fournisseurs. La situation est tendue, les prix délirants. Si des impasses en phosphore et potasse sont possibles, ce n’est pas le cas pour l’azote, sauf à devoir subir des baisses de rendement et à avoir des blés non panifiables.»

Chez Agora, «l’objectif est de privilégier la sécurité d’approvisionnement. Une des pistes en culture est de réfléchir à l’utilisation de l’urée et on peut voir des perspectives positives dans la baisse récente du prix du gaz.»

C’est plus en termes de trésorerie que les deux structures souhaitent faire passer des messages. Christophe Grison insiste : «J’invite les adhérents à anticiper leurs besoins de trésorerie afin de payer leurs intrants et donc à solliciter la coopérative pour des emprunts apprs. À ce jour, seuls 140 d’entre eux ont opté pour ce service alors qu’ils étaient 400 l’année dernière. Pouvoir aller jusqu’à la moisson sereinement est pourtant indispensable.»

Mêmes soucis pour Richard Thiollet, directeur administratif et financier d’Agora : «Actuellement, les fortes fluctuations des marchés des céréales et des engrais induisent des besoins en trésorerie très importants pour honorer les dépôts de garantie, les appels de marge en céréales et les achats d’engrais. La coopérative Agora a opté il y a 20 ans pour une stratégie de gestion dans l’anticipation en renforçant ses fonds propres et en minimisant son endettement moyen/long terme.» Les responsables invitent les agriculteurs à gérer au mieux leur fertilisation et à réfléchir à des assolements plus adaptés.

Pour ce qui est de la betterave sucrière, Alexis Hache, président de la CGB 60, se veut plus rasurant à court terme : «Malgré les fortes augmentations des prix des engrais et des carburants, une bonne nouvelle est intervenue, à savoir le relèvement du prix de la betterave de 25,5 €/t à 35,5 €/t par Südzucker. C’est la preuve que les industriels ont bien pris en compte leurs coûts de production et les nôtres. Pourtant, le marché mondial du sucre ne semble pas réagir pour l’instant à la guerre en Ukraine, les conséquences devraient se faire sentir plus tard car la pénurie d’engrais aura à terme des effets sur la production.»

De son côté, Luc Smessaert, vice-président de la FNSEA, rappelle «qu’il faut absolument avoir une garantie pour être prioritaire sur le carburant, le gaz et l’électricité nécessaire pour nos travaux». Pour le moment, la FNSEA a obtenu un bouclier en termes de trésorerie car les agriculteurs vont devoir faire des avances de trésorerie. La FNSEA demande donc le remboursement anticipé de la TICPE (taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques), la possibilité de décaler les acomptes de la MSA.

Plus largement, la FNSEA a ouvert une nouvelle porte. Luc Smessaert s’en fait l’écho : «Aujourd’hui, on a besoin de produire plus ! Il faut revenir sur les 4 % de jachères qui devraient au contraire produire de la protéine. Il faut pouvoir utiliser des cultures intermédiaires comme de vraies cultures, soit en fourrages, soit en cultures de vente. On a besoin de répondre à la demande alimentaire pour éviter l’ouragan de famine prévu par l’Onu.»

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ROYER (12) | 26 mai 2022 à 04:01:11

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