La recherche de valeur ajoutée via la construction de filières courtes et locales
Thomas Faignaert, 42 ans, est agriculteur biologique à Bucamps, sur le plateau picard, en productions végétales. Il s’investit, avec des collègues, dans la recherche de filières locales de transformation et de commercialisation, afin de mieux rémunérer les productions biologiques de l’Oise.

C’est sans doute son passé de commercial en concession agricole (chez Agrisanterre puis aux Ets Taveau) qui lui a donné la force de l’argumentation et le goût de la négociation.
Installé seulement en 2011 sur la ferme familiale de Bucamps de 113 hectares, il ne souhaite pas être seulement un producteur de matières premières agricoles qui livre à un organisme stockeur.
Hésitant au départ entre l’agriculture biologique et l’agriculture de conservation des sols, il convertit en bio la première année 10 ha, sur ses plus mauvaises parcelles, et emblave une partie en semis direct. Dès la seconde année, il opte pour l’agriculture biologique sur la totalité de l’exploitation et suit les conseils de Gilles Salitot, de la Chambre d’agriculture de l’Oise
Grâce à un PCAE (plan de compétitivité et d’adaptation des exploitations agricoles), il acquiert une herse étrille et de 5 cultures, il passe à 10 puis à une quinzaine. En 2025, il a ainsi cultivé du maïs, du lin textile de printemps et d’hiver, du tournesol, 26 ha de luzerne qui partent à l’UCDV (Usine coopérative de déshydratation du Vexin) à Saussay-la-Campagne (27), de l’épeautre, de la lentille verte, du petit épeautre, du colza, du blé dont des variétés anciennes, des féveroles, du sorgho et de l’avoine.
Avec un souci constant d’adapter l’assolement aux résultats techniques et aux débouchés commerciaux. «Pour valoriser au maximum nos productions bio, il faut chercher des débouchés en alimentation humaine, avec des prix supérieurs. Ensuite, il faut livrer des produits de qualité malgré les risques pris. Par exemple, j’ai essayé le lin textile bio de printemps, que je n’ai pas récolté cette année, et celui d’hiver qui m’a satisfait. Résultat : en 2026, je ne fais que du lin d’hiver bio, que je livre entièrement à Lin 2000. Même raisonnement pour l’avoine, d’hiver ou de printemps, qui sont des cultures résilientes.»
Débouchés
Une idée lui vient pendant la crise Covid, à une période où les Français apprennent à faire leur pain et s’interrogent sur leur alimentation qui devient le centre de leurs préoccupations.
Il se demande comment on fabrique le lait d’avoine (sans gluten) et fait des recherches. Le lait d’avoine est obtenu en mixant des flocons d’avoine à de l’eau et en y ajoutant des conservateurs. Il contacte alors Adicer, une entreprise située à Pont-Sainte-Maxence, spécialisée dans la transformation de céréales et de légumineuses. Ses responsables ont du mal à trouver des avoines dont le calibrage régulier leur permettra un floconnage optimum.
Thomas Faignaert et trois de ses collègues agriculteurs en bio, aidés par Gilles Salitot, réalisent des essais pour trouver les variétés satisfaisantes. Puis il en produit les semences pour ses collègues agriculteurs bio qui fournissent ainsi Adicer.
Aujourd’hui, cette filière concerne 300 ha d’avoine de printemps et l’usine a amélioré considérablement son rendement en floconnage. «De plus, je récupère une partie des flocons que j’ensache pour les vendre en direct.»
Même démarche pour les graines de courge, une variété spécifique cultivée uniquement pour ses graines que l’on consomme torréfiées à l’apéritif.
Les plus grosses graines sont produites uniquement en France et en Autriche, les plus petites arrivent décortiquées de Chine. «Comme il y a une demande pour ce produit riche en fer et en protéines végétales, nous sommes plusieurs producteurs à nous être lancés. Nous produisons 40 ha de ces courges qui sont récoltées en andains. La chair non consommable est laissée au champ, les graines sont récoltées, lavées, séchées, brossées par notre Cuma et triées par Agri CPS, une société spécialisée dans le décorticage des céréales située à Bonneuil-les-Eaux. Les brisures sont transformées en huile et le groupe d’agriculteurs, réunis dans l’association Les paysans bio picards, est en cours de négociation avec les magasins Biocoop pour vendre les graines sous la marque Les paysans bio picards, mais aussi sous la marque distributeur de Biocoop», détaille Thomas Faignaert.
À la clé, des surfaces en hausse, un contrat pluriannuel avec des prix intéressants et, via une société de transformation, des produits picards accessibles au plus grand nombre.
L’exploitant de Bucamps se fait le porte-parole de ses collègues et n’hésite pas à rencontrer les industriels locaux de l’agroalimentaire. «Ils sont généralement en recherche d’approvisionnement local et nous, nous sommes à la recherche de contrats qui nous garantissent des prix minimum garantis en lien avec nos coûts de production. Il s’agit simplement de la mise en pratique concrète de la loi Egalim.»
Vente directe
Thomas Faignaert commercialise une partie de sa production, transformée en huile ou farine, qu’il ensache lui-même, et vend sur des marchés réguliers (Croixrault, Roy-Boissy) et exceptionnels : marchés de Noël, marché fermier du Conseil départemental. Parmi ses produits : huile de colza, huile de courge, graine de courges, farine de blé, d’épeautre... «Je les vends sous la marque Elementerre, mais cela ne représente que 1 à 2 % du chiffre d’affaires de mon exploitation. Je le fais car j’apprécie le lien avec la clientèle, c’est l’occasion de faire passer des messages et de défendre le label bio, parfois malmené, car les consommateurs ont du mal à s’y retrouver entre toutes les marques et labels.» De la fourche à la fourchette en somme.
Les opinions emises par les internautes n'engagent que leurs auteurs. L'Oise Agricole se reserve le droit de suspendre ou d'interrompre la diffusion de tout commentaire dont le contenu serait susceptible de porter atteinte aux tiers ou d'enfreindre les lois et reglements en vigueur, et decline toute responsabilite quant aux opinions emises,