Originaire de Senlis, Henri Delacommune est tombé dans la marmite à sa naissance. À l'âge de 14 ans, il a suivi ses parents pour une aventure viticole dans le Sud de la France. En grandissant, il s'est dirigé vers Paris pour effectuer un double diplôme finance et marketing à l'université d'Assas. Il a ensuite poursuivi ses études à Kedge Business School, à Marseille. «Voulant découvrir de nouveaux horizons, j'ai voulu faire mes stages à l'étranger. J'ai rejoint Shanghaï pendant un an puis Dubaï pour un dernier stage avant de terminer mon cursus. J'ai travaillé pour le groupe Accor en Revenue Management. Avant cela, je ne connaissais pas le monde de l'hôtellerie et pourtant, c'est bien dans ce milieu que j'ai évolué pendant sept ans.» commence le jeune brasseur.

Durant ses études et malgré l'arrivée de la Covid-19, il a toujours eu cette volonté de pouvoir créer un produit, une boisson plus exactement. Et c'est la bière qui a gagné le gros lot. Henri Delacommune avait imaginé un projet de brasserie artisanale. Son expérience familiale au sein des vignobles, son attrait pour la bière durant sa jeunesse, son expérience ailleurs : il a été lassé des bières artisanales au goût trop banal. «La bière est une boisson extrêmement complexe. On trouve de nombreuses saveurs d'épices. Chaque dose peut changer radicalement le goût de la bière. On trouve constamment des nouvelles saveurs. Dès lors, j'ai pu réfléchir et élaborer un business plan.» ajoute-t-il.

Direction le tarmac de Dubaï et de retour en France, Henri Delacommune a pu retrouver sa famille. C'est en juin 2020 qu'il parcourt la France avec sa compagne pour découvrir de nombreuses régions mais aussi des brasseries, une occasion pour déguster des bières. «Le fait d'apprendre le marché du la brasserie, cela m'a permis de mieux construire mon business plan. De plus, il fallait que mon palais découvre et s'habitue aux différentes saveurs de la bière», précise-t-il. C'est en septembre 2020, qu'il participe à une formation de brasseurs.

Durant huit mois travail intensif, de réflexion, de coups de téléphone, de kilomètres en voiture et de rendez-vous sans fin, la brasserie de Senlis sort de terre. «Je travaille toujours avec mes formateurs, ils sont d'une aide précieuse» précise Henri Delacommune. À la base, la brasserie devait se situer dans une exploitation agricole. Avec moults raisons, son père lui a indiqué de s'implanter dans la ville historique de la dynastie capétienne. C'est donc dans une ancienne zone militaire que l'on trouve un hangar de 500 m2 siglé «Brasserie de Senlis». Cependant, elle n'est pas encore fonctionnelle. «Il y a eu de nombreuses complications et la crise sanitaire s'ajoutant au contexte, les travaux n'ont pas véritablement commencé. Du coup, pour le moment, je produits ma bière chez des brasseurs non loin de Senlis. D'ailleurs, grâce au soutien des personnes qui croyaient à mon projet, j'ai pu récolter 11 925 euros avec une cagnotte Ulule pour mener à bien ce projet.» clarifie-t-il.

Senlis qui mousse amasse la foule

Malgré cette longue attente, les bières que propose Henri Delacommun ont déjà la côte. C'est dans son appartement qu'il a créé ses bières, tel un savant fou. Le premier objectif du brasseur est de fournir une boisson made in France, mais aussi 100 % bio, respectant les cahiers des charges. Basée aux portes de Paris, la Brasserie de Senlis revisite le brassage médiéval au miel à travers 4 bières «légères» bio incontournables. On y trouve la blonde aux notes de caramel, fruitées et florales ; la blanche qui révèle des arômes d'agrumes et de coriandre ; l'ambrée à la texture moelleuse aux saveurs de malt et de fruits secs ; et la brune qui présente des arômes de caramel, de café et de coriandre.

Mais le miel dans tout ça ? «J'ai voulu reproduire un écosystème à la fois durable, local, éthique et soucieux de proposer des produits bio. Tout le projet tourne autour de l'apiculture ! Le logo représente une abeille, coiffée d'une couronne royale et composée de couleurs vives. Dans les gammes présentées, il y aura une pointe de miel infusée dans les brassins au moment du brassage. Je brasse exclusivement le miel de fleurs bio pour sa faible amertume et ses notes florales douces. L'intérêt est d'enlever une grosse partie de la saveur du miel. C'est volontaire car le goût serait trop fort et trop lourd. Le but du grammage relativement faible est d'apporter une note sucrée à la bière. Peut-être qu'un jour, sur des éditions limitées, il y aura des bières avec une quantité plus importante de miel», imagine Henri Delacommune. «Bizarrement, la demande de bière au miel explose. Depuis mon ouverture, j'ai fabriqué 150 hectolitres entre les trois bières. En ce moment, je me lance dans 210 hectolitres supplémentaires pour refaire 90 hectolitres de blond, 70 hectolitres d'ambrée et le reste en brune», poursuit-il.

Mais Henri Delacommune n'a pas encore sorti de sa manche son atout, sa cinquième bière, dénommée Elixir. Même si le prix semble un peu rûche, 100 euros la bouteille de 33 cl, l'Elixir se démarque par sa composition et son packaging. «Il s'agit d'une bière avec un peu plus de caractère, mais qui va être brassée avec de la gelée royale. Bouchon en cire, le poinçon logoté, cette bouteille ressemble à du champagne haut de gamme. Ou bien cela peut ressembler à une bouteille de parfum (rire). Vendue sous sa cloche en verre et son socle en bois, elle sera en série limitée chaque année», explique le jeune brasseur. Malgré son prix, cette bière rencontre du succès : à ce jour, on compte déjà 50 pré-ventes.

Cependant, certains produits sont difficilement trouvables comme le houblon bio. Il en existe peu et la récolte de cette année n'a pas été fructueuse. De plus, le miel bio ne se trouve pas ou peu en terre picarde. Via des associations d'apiculteurs bio, Henri Delacommune sélectionne avec minutie son miel. Mais à côté de cela, une partie des chiffres d'affaires sera reversée à ses associations apicoles pour aider à la sauvegarde des abeilles. Cela permettra de financer des ruches ou des pièges à frelons asiatiques entre autres.

Henri Delacommune ne s'arrête pas, et essaye de composer avec de nombreux projets futurs. «Dès que les travaux seront finis, la brasserie sera composée d'un coin magasin où l'on proposera ma gamme de bières et celles des brasseries des alentours. C'est important de redynamiser le département ainsi que la région avec des produits locaux et du savoir-faire. Il y aura bien évidemment un coin avec des dégustations, ainsi qu'une partie de brassage et de stockage visibles à la clientèle. Je pourrais également reprendre la totalité du hangar pour agrandir la brasserie. Je souhaite sincèrement que les personnes viennent découvrir le procédé de fabrication de bière, mais aussi d'accueillir des événements afin de créer du lien social», ambitionne le jeune brasseur. Mais la plus grande fierté d'Henri Delacommune serait de retrouver sa bière aux quatre coins de la France. «Le fait d'être connu et reconnu par mon travail dans toute l'Hexagone serait ma plus grande fierté». Pour les malheureux n'habitant pas dans la région, on peut retrouver les bières de la Brasserie de Senlis dans des caves à bières ou cavistes à Crépy-en-Valois, à Chantilly, à Saint-Maximin, Beauvais, Amiens et dans les magasins Biocoop. Ces bières premium sont à déguster bien évidemment avec modération.