L'Oise Agricole 26 novembre 2020 a 09h00 | Par Dominique Lapeyre-Cavé

2020, une année qui marquera la filière betteravière

Crise sanitaire oblige, le Syndicat betteravier de l’Oise a tenu son assemblée générale le 18 novembre en visio-conférence. Pour dresser le bilan d’une année qui restera hors normes à bien des égards.

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Alexis Hache, Hans Dekkers et Emmanuel Pigeon ont animé l’assemblée en visio-conférence.
Alexis Hache, Hans Dekkers et Emmanuel Pigeon ont animé l’assemblée en visio-conférence. - © Dominique Lapeyre-Cave

Les adhérents étaient donc invités à se connecter en visio-conférence dès 17 heures par Hans Dekkers, pour sa dernière assemblée en tant que président. Après des considérations statutaires (voir ci-dessous) sur la réorganisation de la CGB (Confédération générale des planteurs de betteraves), place était donnée aux dossiers de l’année, et ils ont été nombreux. C’est Alexis Hache qui entame la rétrospective avec le rappel de l’évènement marquant de 2019, la création des organisations de producteurs (OP) pour rééquilibrer les relations avec les industriels privés, en l’occurrence Saint Louis Sucre.

Le groupe n’a pas hésité à fermer deux usines et a refusé tout dialogue avec les OP. «Celles-ci ont donc été mises en sommeil en 2020, mais pourraient bien retrouver de l’importance en 2021 avec la baisse prévisible des emblavements en 2021», veut croire Alexis Hache.

En attendant, après des semis 2020 en conditions séchantes, la jaunisse, suite à l’arrêt du traitement des semences avec des néonicotinoïdes (NNI), n’a pas tardé à se développer dans les parcelles de betteraves. La réintroduction dérogatoire des NNI pour 2021 aura été le combat de l’année et, dès juin, la CGB alertait les pouvoirs publics et notamment le préfet de l’Oise. La pression professionnelle ne s’est jamais relâchée et finalement, une proposition de loi a vu le jour, avec un vote des députés et des sénateurs de l’Oise en faveur du retour temporaire des NNI, à une exception près.

N’empêche, les dégâts étaient faits, accentués par une sécheresse persistante et des températures caniculaires. Le retour tardif des pluies n’a rien rattrapé : les rendements n’ont pas progressé au fur et à mesure des arrachages, pour finir en moyenne à 53 t/ha dans l’Oise, avec des variantes de 35 à 70 t/ha. «Je n’ai jamais vu une telle année. D’abord, côté rendement et ensuite côté politique, avec le ministre Didier Guillaume qui a joué contre nous», tempête Hans Dekkers.

«C’est vrai que le changement de ministre, avec l’arrivée de Julien Denormandie, et la forte mobilisation de la CGB sur le terrain ont largement pesé dans le combat pour le retour des NNI», acquiesce Franck Sander, président de la CGB. «Notre filière n’a plus les mêmes moyens financiers depuis la fin des quotas mais, grâce à ce que nous ont laissé nos prédécesseurs et avec l’appui de la FNSEA et de JA, nous avons pu défendre notre position et nous faire entendre.»

La conférence de presse organisée par la CGB en présence des représentants des Conseils régionaux des régions betteravières a conforté le gouvernement sur l’inquiétude réelle des territoires quant à l’avenir de la filière betteravière qui représente un vivier d’emplois locaux important. Cela lui a permis de proposer la dérogation, au final votée par les deux tiers des députés, puis par le Sénat. «Le dossier est actuellement entre les mains du conseil constitutionnel où j’espère qu’il passera en l’état. Reste à négocier les conditions d’utilisation pour éviter que de trop nombreuses contraintes viennent limiter le recours au NNI. il s’agit notamment du débat concernant l’implantation de plantes mellifères derrière les betteraves», annonce le président national.

Une indemnisation à venir ?

Le ministre Denormandie a promis une indemnisation aux betteraviers pour les pertes liées à la jaunisse. «Chaque betteravier est dans une situation différente : jaunisse, sécheresse, nature du sol... Nous préconisons trois points : e recours à des références individuelles pour déterminer le préjudice, une bonne articulation avec l’assurance récolte avec notamment le refus d’une double franchise. Mais cette indemnisation sera soumise à la règle des minimis, donc plafonnée à 20.000 euros d’aides totales. Le dossier est encore en cours de discussion car nous ne pouvons accepter le principe de plafonner l’indemnisation», tempère Franck Sander.

N’empêche : il reste trois ans à la filière pour préparer l’avenir et celui-ci passera par de la recherche génétique, du développement, plus d’agronomie. Il s’agira aussi de mettre en place un fonds permettant de financer une assurance sanitaire, qui indemniserait les producteurs en cas de coup dur. Mais cette démarche doit être menée au sein de la filière. «Ce sont les industriels sucriers qui devraient être en tête de gondole dans ce dossier car ils sont les premiers concernés par la survie de leur outil industriel. À moins de considérer que celui-ci ne vaut seulement que le prix de la ferraille», ironise Hans Dekkers.

«La culture de la betterave n’est pas un acquis. On en veut pour preuve ceux qui vont diminuer leurs surfaces ou vont même arrêter. Les industriels, s’ils veulent continuer à exister, doivent participer à ce fonds et donner aux planteurs l’envie de produire en payant correctement les betteraves», renchérit Franck Sander.

Au vu de la récolte de l’année, les trésoreries vont être en difficulté et les responsables professionnels cherchent des solutions financières pour aider les exploitations. Ils ont sollicité les pouvoirs publics pour que les prêts garantis par l’État (PGE) dans le cadre de la crise Covid-19 puissent être accessibles aux agriculteurs. Une réponse favorable serait possible.

Enfin, Franck Sander se veut optimiste sur l’avenir de la betterave. Le marché européen va mieux, les cours ont remonté, de nouveaux débouchés sont apparus comme le gel hydroalcoolique et le retour des NNI, même provisoire, laisse entrevoir des voyants au vert. Pour rassurer les planteurs et permettre le maintien des surfaces en 2021, il y a 3 points essentiels : que le gouvernement confirme l’obtention de la dérogation au plus vite, qu’il annonce une méthode d’indemnisation juste du préjudice subi et que les fabricants annoncent des orientation de prix rapidement.

Il ne restait plus qu’à saluer Hans Dekkers pour son action à la tête du syndicat betteravier, place prise au pied levé après le départ contraint de Gilles Bollé, ce qu’ont fait volontiers les participants à la visio-assemblée. Le président «laisse les dossiers entre de bonnes mains, à savoir celles d’Alexis Hache.» Comme ultime conclusion, il conseille les planteurs : «Restez unis. Cela vous rapportera économiquement et surtout humainement.»

Le syndicalisme betteravier modifie son organisation

En lien direct avec cette crise profonde que traverse la filière, le conseil d’administration de la CGB a décidé de fusionner tous les syndicats betteraviers départementaux avec la CGB à Paris. Les assemblées générales qui se tiennent actuellement ont pour objectif de valider cette fusion en vue d’obtenir une seule et unique structure syndicale, la CGB. Principalement, ce sont des raisons de simplifications et des raisons économiques qui motivent ce choix. Dans les faits, la gestion économique et l’administration seront dorénavant pilotées par la CGB. Le dispositif statutaire sera quasiment identique. La volonté est de maintenir le lien fort existant avec la base départementale que constitue le réseau d’élus. Pour l’Oise, 26 membres administrateurs viennent d’être élus et seront amenés à élire leur nouveau président et son bureau dans le courant décembre. Le conseil d’administration CGB dans son choix de la fusion a clairement réaffirmé sa volonté maintenir un niveau d’expertise fort des dossiers betteraves.


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