L'Oise Agricole 31 mars 2020 a 10h00 | Par Camille Gourguechon

Cas de force majeure dans un contrat ?

Le ministre de l’Économie français a annoncé le 28 février 2020 que le Covid-19 sera considéré comme un cas de force majeure pour les entreprises dans le cadre des contrats passés avec l’État.

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La force majeure invoquée pour s’exonérer de sa responsabilité civile.
La force majeure invoquée pour s’exonérer de sa responsabilité civile. - © J.-C. Gutner

Mais en sera-t-il de même pour les contrats conclus entre personnes privées ?

Droit des contrats

La notion de force majeure désigne un évènement échappant au contrôle du cocontractant, qui ne pouvait être prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées. Imprévisibilité, irrésistibilité et extériorité sont donc les trois conditions cumulatives nécessaires pour caractériser un cas de force majeure.

L’imprévisibilité doit être appréciée au jour de la conclusion du contrat. Dès lors, l’évènement ne doit pas avoir été prévisible au moment de la formation du contrat, tel sera le cas pour les contrats conclus avant la pandémie du Coronavirus.

L’irrésistibilité est un phénomène auquel l’homme ne peut rien. Pour le cocontractant désirant invoquer le Covid-19 comme étant un cas de force majeure, il devra donc aussi démontrer que le Coronavirus justifie bien une incapacité totale d’exécuter son obligation.

L’extériorité signifie quant à elle que l’évènement échappe totalement au contrôle du cocontractant. Concernant la pandémie du Coronavirus, il ne sera pas difficile de démontrer qu’elle échappe totalement au contrôle du cocontractant.

Effets de la force majeure

La force majeure empêche l’exécution de l’obligation contractuelle d’un cocontractant. Dès lors, lorsqu’elle est caractérisée, elle libère le cocontractant de son obligation contractuelle et le dégage de sa responsabilité contractuelle.

Force majeure et Covid-19

En jurisprudence, une tempête irrésistible et imprévisible ou encore un tremblement de terre ont pu être qualifiés d’évènement de force majeure. À titre d’exemple, en 2010, l’éruption du volcan islandais Eyjafjöll, dont les projections de cendre dans l’atmosphère ont paralysé le trafic aérien européen pendant plusieurs jours, a caractérisé un cas de force majeure. Les agences de voyages ont ainsi pu invoquer la force majeure pour se libérer de leur obligation d’exécuter la prestation de transport.

Dans le contexte actuel du Covid-19, il semble que cette pandémie, compte tenu de son ampleur et des mesures déployées pour y faire face, puisse constituer un cas de force majeure pour les contrats conclus entre personnes privées avant l’arrivée de la pandémie.

Néanmoins, il ne faut pas oublier que le juge appréciera souverainement au cas par cas les contrats litigieux notamment selon leurs modalités d’exécution. En effet, la seule existence de la pandémie ne suffira pas à elle seule à constituer un cas de force majeure puisque le cocontractant devra démontrer que les trois conditions susvisées sont réunies et qu’il existe un lien de causalité entre le Covid-19 et l’impossibilité d’exécuter ses obligations contractuelles.

À titre d‘exemple, les juges français ont déjà écarté la qualification de force majeure dans le cadre d’une épidémie notamment celle invoquée lors de l’épidémie Ebola car il n’existait pas de lien de causalité entre le virus Ebola et la baisse d’activité de la société litigieuse ou encore que le virus n’avait pas rendu impossible l’exécution des obligations du cocontractant. Aussi, il est peu probable que la force majeure soit retenue pour les contrats conclus après l’arrivée de la pandémie du Covid-19, faute de pouvoir caractériser l’imprévisibilité de l’évènement.

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