L'Oise Agricole 31 août 2019 a 13h00 | Par Mélodie Comte

Une nouvelle filière agricole s’apprête à voir le jour

Trois agriculteurs de la Limagne se sont lancés dans la production d’insectes à destination de l’alimentation animale, en collaboration avec la société Invers basée à Clerlande dans le Puy-de-Dôme.

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Rémy Petoton et Sébastien Crépieux devant les caisses contenant les insectes adultes «reproducteurs» qui donneront naissance aux larves.
Rémy Petoton et Sébastien Crépieux devant les caisses contenant les insectes adultes «reproducteurs» qui donneront naissance aux larves. - © mélodie comte

C’est un élevage d’un nouveau genre qui voit le jour dans la plaine de la Limagne au cœur du département du Puy-de-Dôme. Trois jeunes agriculteurs se sont lancés dans l’aventure de la production d’insectes, en collaboration avec la société Invers. Cette petite entreprise d’une dizaine de salariés, a pour ambition de faire de tenebrio molitor, plus connu sous le nom de ver de farine, l’apport principal de protéines dans les rations des animaux d’élevages et de compagnie. Un aliment d’un nouveau genre produit 100 % localement, de la naissance jusqu’à l’abattage.

Le plus gros cheptel puydômois

C’est dans un ancien container maritime de 25 m², à l’ambiance tropicale (26°C et 60% d’hygrométrie), qu’est hébergé le plus gros élevage du Puy-de-Dôme. Dans plusieurs centaines de bacs en plastique superposés, poussent quelques milliards de vers de farine. Les jolies bestioles ambrées se repaissent lubriquement d’un savant et secret mélange à base de céréales. Dans quatre à six semaines, ce petit monde subira un abattage de masse dans un congélateur à -20°C avant d’être déshydraté et ensaché. Ils rejoindront alors les étals de plusieurs jardineries puydômoises pour être vendus aux particuliers comme aliment pour animaux, notamment les volailles. Un nouvel élevage encore à l’état expérimental derrière lequel se cache la société Invers. Son fondateur Sébastien Crépieux est à l’origine de cette idée un peu saugrenue. «Lorsque j’ai présenté mon projet au LIT (ndlr Laboratoire Innovation Territorial Grandes Cultures Auvergne*) ont m’a pris pour un fou.» Et il y a de quoi, puisque l’idée de l’ingénieur agronome n’est pas simplement d’élever des insectes dans son garage mais d’intégrer ce nouveau cheptel dans les exploitations agricoles et d’élargir la commercialisation jusqu’aux fabricants d’aliments pour les animaux d’élevages (volaille et pisciculture). «L’idée est de créer une filière protéique 100 % locale, reposant sur des valeurs environnementales et économiques saines. Les vers grossissent sur un substrat élaboré à partir de co-produits de l’industrie céréalière puydômoise (son, déchets de pain…). La commercialisation est réalisée par nos soins auprès de clients locaux.»

De grandes attentes

Fou ou visionnaire, chacun son avis ! Rémy Petoton, agriculteur à Saint-Clément-de-Régnat s’est fait le sien. Depuis bientôt un an, il élève des vers de farine en collaboration avec Invers. «Le temps de travail se comptabilise à hauteur de 30 minutes par jour. Il y a un peu de manutention, au moment du tamisage pour récupérer les œufs, et ensuite les vers, mais rien d’insurmontable. Quant au sanitaire, il n’y a quasiment aucun risque.» La facilité de production n’est pas l’unique raison qui a encouragé le jeune agriculteur à rejoindre le projet. La promesse d’une nouvelle filière, indépendante des aléas climatiques, des cours mondiaux et peu gourmande en main-d’œuvre, raisonne un peu comme une réponse aux enjeux agricoles. «Dans cinq ans, je vais me retrouver seul sur une exploitation de 220 ha avec une production de semences et un troupeau de bovins. Toutes mes productions sont dépendantes du climat et des aléas des marchés. Intégrer une filière avec la promesse d’un revenu et d’une production sécurisée, c’est inespéré, encourageant et rassurant. En plus, Invers nous consulte régulièrement pour mieux comprendre nos attentes.»

Aliment de très haute qualité

C’est prouvé, les insectes sont très riches en protéines. Depuis quelques années, beaucoup se sont lancés dans la production avec l’espoir de substituer les protéines animales classiques dans l’alimentation humaine. Jusqu’alors personne n’avait encore pensé à en donner aux animaux d’élevages qui d’ordinaire en consomment. L’évolution récente de la réglementation en la matière va dans le sens d’Invers. «Il est désormais possible d’intégrer des insectes dans l’alimentation des chiens, des chats et dans les piscicultures. C’est une opportunité d’autant plus formidable lorsqu’on sait que les farines de poissons sont élaborées à partir de poissons pêchés en mer. Ce système est loin d’être durable alors que la production d’insectes a tous les atouts de son côté. Nous travaillons également à la fabrication de croquettes pour chiens et chats contenant de la farine d’insectes. Mais le plus intéressant, c’est pour les volailles car il se trouve que les insectes boostent leur immunité.» Sébastien Crépieux avoue cependant qu’il faudra attendre encore quelques années avant de développer ce marché nécessitant une production de plusieurs tonnes. A ce jour, les quatre containers expérimentaux permettent tout juste d’atteindre une production de 500 kg/mois. La société a donc acquis un ancien poulailler sur la commune de Saint-Ignat qu’elle compte rénover pour élaborer un atelier témoin plus adapté. «Les containers ont trop de perditions d’énergies. Notre projet porte sur la construction d’un atelier de 800 m², autonome en énergie avec l’utilisation de panneaux photovoltaïques. Nous étudions également un système d’automatisation pour réduire l’intervention des agriculteurs. Ce bâtiment servira de modèle aux agriculteurs.» La société ambitionne à terme d’installer chez les agriculteurs du Puy-de-Dôme, une centaine d’ateliers de production d’insectes.

*Le Laboratoire Innovation Territorial grandes cultures en Auvergne est un espace d’accueil et d’émergence de projets visant à concevoir, évaluer et diffuser des solutions innovantes pour et avec les agriculteurs, en lien avec les autres acteurs du territoire.

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